Lisez la première partie du texte et choisissez la bonne variante pour chaque question (1-5).Est-il méprisant de dire en «province»?
Le nom donné au territoire national, à l’exclusion de la région parisienne, a évolué au fil des siècles. «Province», «région», «territoire»… Que faut-il dire?
C’est un conflit comme il en existe tant d’autres en France. Une France coupée en deux, tel que le fut le pays au XVIe siècle, à la suite de la tentative d’unification par François Ier des régimes de la gabelle, ou au moment de la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV, en 1685. Deux événements qui engagèrent les soulèvements provinciaux.Rangées les armes, c’est une bataille d’opinion qui désormais se joue dans l’Hexagone. Peut-on encore appeler l’ensemble du territoire national, à l’exclusion de la région parisienne, la «province»?
Pour tenter de répondre à cette épineuse question, qui déchire les familles et sépare les amis, remontons le temps. Emprunté au latin «provincia», qui désigne une circonscription territoriale gouvernée par un proconsul ou un propréteur, l’administration d’un territoire conquis par les Romains - comme la Gaule -, et par extension une région, un pays ou une contrée, le mot «province» apparaît au XIIe siècle. En premier lieu, dans un sens tiré du latin chrétien. Il désigne alors une circonscription ecclésiastique, puis, dès le XIVe siècle, se dit d’une division territoriale du royaume de France. On parle de la province du Poitou, du Bourbonnais, etc.
Ainsi que l’explique Bernard Cerquiglini dans
Petites chroniques du français (Larousse), la centralisation progressive de l’administration royale sous l’Ancien Régime a donné à la «province» un sens négatif. Il s’agit désormais de la partie du territoire qui n’est pas comprise dans les lieux de pouvoir. Cette dualité nouvelle entre la capitale et le reste de l’Hexagone s’est ensuite renforcée sous l’État révolutionnaire et postrévolutionnaire. Qui dit «province» dit mépris. Qui dit «province» vient de Paris.
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Lisez la deuxième partie du texte et dites si c’est vrai, faux ou non mentionné (6-10) :«Le couple Paris-province a structuré l’imaginaire français»
À partir du XIXe siècle, la valeur appréciative du mot se confirme sous la plume d’écrivains, comme Flaubert, qui sous-titre
Madame Bovary de la phrase «mœurs de province». De fait, on trouve le terme dans des locutions péjoratives telles que «gaucherie provinciale» et «faire province». Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, les grandes lois de décentralisation achèvent d’enterrer la «province», qui dès lors répond au nom de «département», «région», «périphérie», ou «territoire». Le 7 mai 2021, dans le cadre du plan France Relance, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, déclarait:
«Je veux m’assurer que l’argent va bien aux territoires qui en ont besoin.» Comme l’affirme l’Académie française,
«il convient de rappeler que le mot “province” n’a rien de honteux et qu’il est préférable de l’employer plutôt que de le laisser inutilisé comme s’il était particulièrement dévalorisant». C’est d’ailleurs dans le sens factuel de «territoire national, à l’exclusion de la région parisienne» que l’employait Céline, en 1936, dans
Mort à crédit:
«Rodolphe lui, il était loin, il parcourait la province avec le cirque Capitol.» En 2022, le philosophe et économiste Jérôme Batout, avec
La Revanche de la province (Gallimard), souhaitait même redorer son blason. Il confiait au
Figaro :
«Le sentiment d’infériorité que ce mot véhiculait hier est en train de faire place à une nouvelle fierté. [...] Le couple Paris-province a structuré l’imaginaire français pendant quatre siècles. Il conserve un énorme potentiel.» Mais les préjugés ont la dent dure.
«Longtemps, d’aucuns ont cru que ce qui se faisait à Paris était supérieur à ce qui se faisait en province, précisent les Sages.
Notre langue en porte encore la trace avec des expressions, aujourd’hui vieillies, comme “cela sent sa province” ou “cette robe fait un peu province”». Aussi, libre à vous de choisir votre camp. Formule désuète ou technocrate, la solution intermédiaire n’existe pas.